La (paléo)xylologie
Définition
La xylologie est, en archéologie, la science de l’étude des bois, et principalement des bois gorgés d’eau sous nos latitudes. Les bois gorgés d’eau doivent leur conservation sur le très long terme à leur enfouissement rapide dans un milieu anaérobie et sans lumière continuellement baigné d’eau. Un tel milieu empêche la survie des micro-organismes xylophages (insectes, bactéries, champignons, algues). Autre avantage, le bois préserve sa forme et ses surfaces d’origines, et donc les traces des outils qui l’ont façonné. Il est possible de retrouver le bois à l’état de trace, carbonisé, minéralisé ou gorgé d’eau.
Possibilités et applications
Sur les sites à caractère funéraire, le bois peut se présenter sous divers aspects, tous susceptibles de livrer des informations sur les sépultures et leur(s) aménagement(s).
- Lorsqu’il ne reste que des traces ligneuses, l’intervention du xylologue sur le terrain permet la lecture de ces traces (orientation des fibres, mode de débitage, éventuellement essence) et la restitution des aménagements.
- Pour les charbons, il convient de préciser s’il s’agit de microcharbons concentrés dans une zone ou épars dans une couche (prélèvement en bloc ou en vrac), ou bien s’il s’agit d’éléments entiers carbonisés. Dans ce dernier cas, une intervention sur le terrain est essentielle à la compréhension de l’élément carbonisé (couvercle, atèle…).
- Du bois peut également se trouver conservé sous forme minéralisée au contact d’éléments métalliques (garde d’épée, fourreau, etc.). Une analyse de l’essence et du mode de débitage est, là encore, envisageable. Pour les clous de cercueil, il est aussi possible de restituer le mode d’assemblage des boîtes, déterminer si une ou plusieurs essences ont été employées, restituer le couvercle, etc.
- Les découvertes de bois gorgé d’eau en contexte de nécropole sont plus rares. Dans ce cas, parallèlement à l’étude technologique qu’offrent les bois conservés (débitage, mise en œuvre, outils et artisans), il est véritablement possible d’appréhender l’aménagement des fosses et procéder à des restitutions précises de l’architecture des sépultures (caractérisation des coffres ou cercueils, mode d’assemblage, remplois, cales, couvercles, superstructures…).
Méthodes de prélèvement et précautions particulières
Dans le meilleur des mondes, l’idéal en cas de découverte de bois gorgés d’eau sur un chantier est d’appeler et de faire venir un xylologue sur le terrain. Il sera alors à même de proposer, en fonction des vestiges, des choix de prélèvement pour ce matériau fragile. Si cela n’est pas envisageable (découverte le dernier jour de fouilles par exemple), il faut au moins se faire guider par téléphone.
Quelques recommandations :
- Faire un enregistrement terrain le plus minutieux possible (localisation, photos, type de terrain, nature de la structure, niveau d’apparition des bois, croquis), et mesurer les éléments avant de les prélever. Noter l’orientation (haut, bas, face d’apparition, intérieur / extérieur sépulture), la position (planche gauche / droite / pieds / tête / fond / couvercle) toujours par rapport au squelette.
- Dans le cas de branchages, prélever le plus possible et mettre dans des minigrips ou des boîtes hermétiques avec de l’eau, en chassant l’air au maximum. S’ils se cassent, rassembler en minigrip les fragments d’un même élément.
- Dans le cas d’objets de petites dimensions, éventuellement les emballer dans du film type cellofrais pour conserver l’intégrité de la pièce, et mettre dans une boîte avec de l’eau. Ou prélever des blocs humides cellophanés.
- Pour les objets de plus grandes dimensions (planches de coffrage ou de cercueil), bien humidifier la pièce avant de l’emballer dans du cellofrais, sur un support rigide, et conserver dans des sacs poubelles opaques ou de la bâche. Entreposer dans des lieux frais, si possible dans de grands bacs avec de l’eau (en été sur un chantier isolé, un trou bâché avec de l’eau peut ponctuellement faire l’affaire.
Le bois gorgé d’eau une fois extrait est très fragile et se dégrade rapidement. Il faut donc le confier assez rapidement à la personne en charge de l’étude.
Laboratoires et coûts
Le devis dépend de l’expertise réalisée sur le terrain et du nombre d’échantillons à traiter. Il est établi par le spécialiste en charge de l’étude. Ce dernier peut également proposer des bois à la datation et orientera alors le responsable des fouilles vers les laboratoires concernés.
Auteur de la fiche
Blandine Lecomte-Schmitt, Xylologue – INRAP Centre-Ile-de-France
Centre archéologique INRAP
36/38 avenue Paul Vaillant Couturier 93126 La Courneuve
contact : blandine.lecomte-schmitt@inrap.fr 01 49 34 39 82 / 06 84 80 73 57
CarpologyLa carpologie appliquée à l’archéologie funéraire
Définition
La carpologie est la science qui étudie les graines, fruits et autres organes végétatifs et reproducteurs retrouvés en contexte archéologique. Cette science s’étend désormais au domaine des restes de préparations alimentaires d’origine végétale (compote, pain, galette, gruau, malt).
Possibilités et applications
L’étude des offrandes alimentaires et des dépôts d’origine végétale est un domaine qui demeure en marge des investigations des archéologues travaillant sur le monde funéraire. L’ensemble des périodes et des types de sépultures peuvent être étudiées en carpologie. L’intérêt principal est la reconstitution des rites et des pratiques funéraires au travers du symbolisme des plantes identifiées. Dans le monde romain, ces études naturalistes nous permettent de reconstituer le repas funéraire.
Dans une publication ancienne portant sur les méthodes d’étude des sépultures, P. Marinval (1986) y détaille l’intérêt de ces études archéobotaniques et les méthodes de prélèvements associées. Quelques années plus tard, ce même chercheur a rédigé une synthèse des études carpologiques dans les sépultures gallo-romaines lors du colloque AGER portant sur le monde des morts en Gaule rurale (Marinval 1993). Plus récemment, plusieurs carpologues français se sont penchés sur la carpologie en contexte funéraire (Matterne 2006 et 2008, Rovira et Chabal 2008, Preiss et al. 2004, Bouby et Marinval 2002). A ce jour, les études carpologiques traitent essentiellement du monde romain. Les autres périodes chronoculturelles restent encore peu explorées par les carpologues travaillant sur ces contextes.
Méthodes de prélèvement et précautions particulières
Il n’existe pas de méthode standardisée. En archéologie, les moyens sont souvent limités et la question principale est de savoir où prélever et quelle quantité prélever. En archéologie préventive, un sceau de 10 litres par unité stratigraphique et niveaux archéologiques est la quantité préconisée. Pour les incinérations, nous conseillons de prélever l’ensemble du sédiment. Les amas de graines et les contenus de vase doivent être prélevés en intégralité. Il est important de noter les différents emplacements des prélèvements réalisés en X, Y et Z.
Il est vivement recommandé de contacter le/la carpologue avant le tamisage. Certains chercheurs préfèrent que le tamisage soit effectué par l’équipe de fouille, d’autres préfèrent le faire eux-mêmes. Deux méthodes principales sont utilisées : 1/ le tamisage simple à l’eau pour les graines conservées par minéralisation, imbibition (dans l’eau), dessiccation ou congélation. 2/ la flottation pour les graines conservées par carbonisation.
Dans tous les cas, ces méthodes sont peu coûteuses et nécessitent un point d’eau et une évacuation correcte. Les mailles des tamis sont de 2 et 0.5 millimètres. Le volume de sédiments bruts doit être systématiquement noté pour ensuite connaître la densité de graines découvertes par litre de sédiments.
Le tri des restes végétaux est en aucun cas réalisé par l’équipe de fouille mais toujours par le spécialiste car beaucoup de graines sont invisibles à l’œil nu.
Laboratoires et coûts
Selon la zone géographique ou la période, nous conseillons différents carpologues. Cette liste est non exhaustive et ne cesse de s’agrandir.
- Pour le nord de la France : Véronique Matterne, Françoise Toulemonde et Sidonie Preiss.
- Pour le centre de la France : Bénédicte Pradat (région Centre), Anne Bouchette (Limousin) et Manon Cabanis (Auvergne et Rhône-Alpes).
- Pour l’ouest : Marie-France Dietsch-Sellami.
- Pour le sud : Laurent Bouby, Frédérique Durand (région Toulousaine), Anne Bouchette, Isabel Figueiral et Philippe Marinval. Pour l’est : Julian Whiethold, Caroline Schaal et Emmanuelle Bonnaire.
- Pour la période médiévale : Marie-Pierre Ruas et Charlotte Hallavant.
- Pour le néolithique alpin : Lucie Martin.
- Pour les pains et préparations alimentaires : Philippe Marinval.
- Pour le raisin et la vigne : Laurent Bouby.
Références bibliographiques
- Bouby L. et Marinval P. (2004). Fruits and seeds from Roman cremations in Limagne (Massif Central) and the spatial variability of plant offerings in France. Journal of Archaeological Science 31 77–86
- Marinval P. (1986). Présence de macro-restes végétaux (semences et fruits) en contexte funéraire protohistorique français. In : Duday H ; et Masset C. (dir.). Anthropologie physique et archéologie, Méthodes d’Etudes des sépultures. Actes du Colloque Toulouse, 4-6 nov. 1982. CNRS, Paris : 333-342.
- Marinval P. (1993). Etudes carpologiques d’offrandes alimentaires végétales dans les sépultures gallo-romaines : réflexions préliminaires. In : Ferdière A. (dir.), Monde des morts, monde des vivants en Gaule rurale. Actes du colloque ARCHEA/AGER (Orléans, 7-9 février 1992). 6° suppl. à la Revue Archéologique du Centre de la France, Tours : 45-65.
- Matterne V. (2008) Les restes carpologiques issus de contextes funéraires. Protocole d’échantillonnage et potentiel d’étude. In : Scheid J. (dir.). Pour une archéologie du rite. Nouvelles perspectives de l’archéologie funéraire. Collection de l’école Française de Rome 407, Rome, 358 p.
- Matterne V. et Derreumaux M. (2008) A Franco-Italian investigation of funerary rituals in the Roman world, ‘‘les rites et la mort a` Pompéi’’, the plant part : a preliminary report. Veget Hist Archaeobot (2008) 17:105–112
- Preiss S, Matterne V, Latron F (2005). An approach to funerary rituals in the Roman provinces: plant remains from a Gallo-Roman cemetery at Faulquemont (Moselle, France). Veget Hist Archaeobot 14: 362–372
- Rovira N. et Chabal L. (2008). A foundation offering at the Roman port of Lattara (Lattes, France): the plant remains. Veget Hist Archaeobot 17 (Suppl 1): S191–S200
Auteur de la fiche
Manon Cabanis
INRAP Rhône Alpes Auvergne et GEOLAB UMR 6042
contact : manon.cabanis@inrap.fr 04 73 34 68 40 (Geolab à Clermont-Ferrand)
Définition
L’anthracologie est l’étude des charbons de bois issus de sites archéologiques. L’anthraco-analyse est la reconnaissance des taxons par leurs caractéristiques anatomiques.
Possibilités et applications
Sur les sites à caractère funéraire, deux modes principaux de dépôts coexistent : l’inhumation et la crémation. Cette dernière, naturellement révélée par les restes de bois carbonisés, constitue un contexte privilégié pour les prélèvements anthracologiques. Tous ces restes sont susceptibles de nous informer sur l’aménagement des bûchers funéraires, sur leurs conduites et sur les différents dépôts d’origine végétale.
Méthodes de prélèvement et précautions particulières
L’idée principale est d’obtenir un maximum d’informations et de données brutes, statistiquement fiables pour une étude complète et de permettre une interprétation correcte. La méthode doit être mise en place avec l’accord d’un anthracologue et doit s’adapter à la structure archéologique. Comme toutes les disciplines bioarchéologiques, l‘anthracologie est confrontée aux problèmes de la prise de données sur le terrain.
L‘ensemble des charbons de bois, recueillis au tamisage par unité, constitue l‘échantillon archéologique. L’analyse spatiale est un bon outil pour révéler la répartition différentielle dans l’espace des différentes essences utilisées ou bien des différences de calibration si elles existent. Dans le cas d’une fouille d’aire de crémation ou fosse bûcher, l’idéal est de travailler en collaboration avec l’anthropologue dans la mise en place du carroyage (maille à déterminer selon la taille de la structure) qui permettra de prélever le sédiment exhaustivement par unités stratigraphiques, carrés et passes. Pour les charbons dispersés dans le sédiment ils seront prélevés entièrement et tamisés par la suite à l’eau ou par flottation sur une colonne de tamis allant de0.5 cm à 0.5 mm. Les échantillons seront ensuite séchés à l’abri du soleil ou d’une source de chaleur. Pour les charbons concentrés type «branches ou bûches » il est nécessaire de pratiquer un prélèvement à la main en les isolant dans un sachet à part, fermé et étiqueté, ceci afin d’éviter une sur représentation des taxons dans la structure. De plus ces fragments doivent être photographiés et/ou dessinés en place. Enfin, pour les charbons contenus dans les pots funéraires, il sera nécessaire de prélever l’intégralité du contenu.
Laboratoires et coûts
Le devis sera dressé par le spécialiste en charge de l’étude, sur le terrain en fonction du contexte et de la taille de l’échantillon.
Auteur de la fiche
Carine Cenzon Salvayre-Doctorante- Aix Marseille Université – LA3M UMR7298 – CCJ UMR 7299
contact : cenzon@mmsh.univ-aix.fr / carine.cenzon@gmail.fr